Le détail est passé inaperçu dans l’actualité mais mérite bien qu’on y revienne. Le 26 novembre dernier, en effet, le Président de la République a reçu les lettres de créance de six nouveaux ambassadeurs accrédités en RDC. De ce nombre, deux seulement (Inde et Zimbabwe) ont leur résidence en RDC, les restes ayant externalisé leurs résidences depuis plusieurs années maintenant.
La pratique est courante et conforme à la convention de Vienne, certes. Plusieurs pays ont choisi, surtout ces dernières années, de regrouper leurs missions diplomatiques autour d’un point d’où ils rayonnent suivant des régions et des zones d’intérêt. Le choix des points de rayonnement est fonction, avant tout, des raisons économiques (contraction budgétaire). Il obéit également à des intérêts géostratégiques suivant l’évolution des relations internationales, à des affinités historiques et idéologiques.
Le fait qu’aujourd’hui encore, Kinshasa n’est pas parvenu à ramener ces ambassades dans ses murs est un signal qui devrait interpeler après le déploiement diplomatique auquel s’est adonné Félix Tshisekedi dès sa prise de fonction. Deux années se sont, en effet écoulés sans que Kinshasa n’engrange de retombées notables de ces périples diplomatiques.
La République démocratique du Congo (ex-Zaïre) avait été frappée par un ostracisme diplomatique qui avait amené plusieurs pays, comme Israël, à fermer leurs ambassades pour aller traiter le pays à partir d’autres capitales. Depuis particulièrement les années 90’, à la suite de la vraie fausse affaire du massacre des étudiants au campus de l’université de Lubumbashi, le Zaïre d’alors avait été mis au banc de la communauté internationale avec le gel de la coopération structurelle au profit des assistances indirectes à travers les Ong.
L’âge des éclaircis diplomatique
Les éclaircis politiques et diplomatiques observés à partir de 2001 avec l’arrivée au pouvoir de Joseph Kabila avait permis de ramener la nouvelle RDC dans le concert des Nations avec, notamment, la reprise de la coopération structurelle. Le pays redevenait ainsi une nouvelle destination diplomatique et même des affaires avant que l’on retombe dans un nouveau gel suite à la posture souverainiste du pays à partir des années 2006. Les puissances occidentales, qui espéraient mettre le grappin sur le régime post-électoral, n’avaient pas supporté cette posture, surtout le fait que Kinshasa choisit, à l’époque, de se tourner vers les nouvelles puissances émergentes comme l’Inde et la Chine.
A ne pas oublier, non plus, que les incertitudes politiques autour des échéances électorales ainsi que la campagne hostile de l’opposition avaient également été pour beaucoup dans ce nouvel ostracisme. Celui-ci intervenait dans le contexte d’une nouvelle offensive diplomatique de l’Occident vers les régions africaines et autres.
Retour de l’Occident : Kinshasa incapable de capter les nouvelles offres
Après avoir guerroyé pendant plus ou moins vingt ans en orient contre le terrorisme et pour l’hégémonie géopolitique et stratégique, les puissances occidentales, qui avaient levé le pied des économies africaines, se sont réveillé dans un nouvel ordre de déploiement des puissances émergentes. Ainsi verra-t-on se relancer la bonne vieille stratégique de (re) prendre le contrôle des pouvoirs locaux pour ainsi contrôler les marchés, aussi bien comme déversoirs des productions occidentales que comme destination des investissements et source d’exploitations minières, surtout des matières de la nouvelle technologie de pointe.
C’est en plein dans ce contexte qu’intervient l’alternance au sommet de l’Etat en RDC. Le nouveau régime choisi littéralement de s’extravertir, du moins tel qu’on l’a observé avec le déploiement diplomatique de Félix Tshisekedi. Un déploiement dont la dynamique n’a jamais indiqué un fil conducteur ou une logique claire pouvant répondre à des objectifs précis, se limitant ainsi à une sorte de pêche à la ligne attrape-tout et hasardeuse.
Aujourd’hui, deux ans après, force est de constater que cette offensive diplomatique n’a pratiquement rien produit comme résultat à part cette sorte de babysitting américain sur le nouveau régime de Kinshasa. L’attentisme manifesté au départ, aussi bien au niveau interétatique que du côté des investisseurs s’est, se traduit aujourd’hui par une méfiance des partenaires extérieurs. A la base, l’instabilité politique et institutionnel de ces derniers mois qui ne rassure personne à l’international.
Le nouveau régime, qui avait pourtant suscité tant d’espoirs, surtout en occident où l’on s’est frotté les mains avec le départ de Kabila, semble manifestement ne pas rassurer au-delà de ses intentions. Au contraire, les tumultes dans ses alliances librement nouées et la nouvelle gouvernance n’ont cessé d’inquiéter malgré les encouragements sur la voie des réformes qui, cependant tardent à s’enclencher.
La diplomatie congolaise manque d’âme
Bref, si la diplomatie congolaise manque à ce jour d’âme pour attirer de l’intérêt sur le pays, la gouvernance globale en rajoute aux réticences qui se traduisent, entre autres, par l’hésitation des institutions de Brettons wood à conclure un programme formel avec la RDC. Ces hésitations traduisent, en fait et en réalité, celles des puissances qui soutiennent des institutions et les contrôlent. Pendant ce temps, le nouveau régime n’a encore envoyé aucun signal significatif en direction des puissances émergentes qui étaient déjà en relation très avancée avec Kinshasa ces quinze dernières années à travers leur style de coopération gagnant-gagnant. C’est à peine si Pékin ou New Delhi forcent la main à Kinshasa à travers des dons et autres formes d’assistances pour attirer l’attention.
On peut alors comprendre que Kinshasa sorte de l’intérêt de la communauté internationale et ne constitue plus un point stratégique pour personne. On ne peut, en effet, analyser autrement le fait, par exemple, que les sept pays qui viennent d’affecter de nouveaux ambassadeurs rayonnent sur la RDC à partir des capitales de la région comme Kampala, Kigali, Luanda ou Nairobi. Certains de ces pays étant potentiellement ou en fait moins stratégiques dans les différentes régions auxquelles appartiennent la RDC (Grands lacs, Sadc, Afrique de l’Est, Ceeac, etc.), cet état des choses traduit une faiblesse d’Etat dans le chef de la RDC, et cela dans son sens le plus complexe.
Jonas Eugène Kota